L’attractivité des métropoles comme moteur de la demande immobilière
Quelle place pour Paris ?
Qualifiée de « siècle des métropoles »¹ , la période actuelle se caractérise par une urbanisation intense et une concentration des activités économiques les plus créatrices de richesse dans les grands centres urbains. Ce phénomène s’observe à l’échelle mondiale, et les classements internationaux se multiplient pour mesurer et évaluer le dynamisme et l’attractivité des métropoles. Dans l’étude Global Metro Monitor 2018 réalisée par Brookings, plus de 300 aires urbaines sont ainsi analysées selon deux indicateurs principaux : la croissance récente du PIB par habitant et le niveau d’emploi. Sur la période 2014-2016, elles ont ainsi généré 67 % du PIB réel mondial, 36 % de la croissance de l’emploi et 22 % de la croissance démographique.
Si d’autres paramètres sont à considérer comme la qualité de vie, des infrastructures (transports et réseaux de télécommunications), les inégalités et la diversité sectorielle, cette approche globalisée permet d’identifier les régions les plus productives et bénéficiant d’une dynamique urbaine forte. On observe ainsi un recul significatif du nombre d’aires métropolitaines en croissance en Europe continentale et en Amérique du Nord (- 25 et – 31 respectivement), au bénéfice de la Chine essentiellement (+ 55) mais aussi du Moyen-Orient et de l’Afrique (+ 10). Ceci s’explique par un degré de maturité très variable entre des régions déjà très urbanisées (pays de l’OCDE par exemple) et d’autres en cours d’urbanisation et offrant un gisement d’opportunités immobilières avec des marchés qui se structurent rapidement autour d’une offre neuve.
Ces résultats sont à nuancer car si la croissance dans les pays dits émergents est plus forte sur la période récente, c’est principalement dû à un effet de rattrapage par rapport aux économies plus avancées. Brookings met donc en perspective le développement des métropoles avec le reste de leurs régions respectives sur la période 2000-2016 : en termes d’employabilité, l’attractivité des métropoles a partout engendré un décalage très important au détriment des territoires périphériques. En revanche, à l’exception de la Chine et de l’Europe de l’Ouest, l’évolution du PIB par habitant n’a pas été plus rapide dans les aires urbaines des autres régions que dans leur hinterland.
C’est une tendance récemment identifiée et appelée « urbanisation sans croissance² » : une dynamique qui apparaît lorsque la pauvreté et des défaillances dans la gouvernance locale limitent la capacité des villes à bien gérer les externalités négatives (congestion, pollution, manque de logements) issues de la croissance urbaine.
Quel est donc l’écosystème permettant aux zones urbaines de croître sans générer pour autant des déséquilibres sociaux, économiques et même écologiques qui pourraient fragiliser et remettre en question ce modèle de développement ?
Dans l’étude Dynamic cities 2018, Savills Investment management y répond, comme d’autres, en listant les critères ayant un impact direct sur l’attractivité actuelle et future de métropoles européennes, et sur leurs marchés immobiliers :
- Les infrastructures (transports, réseaux sanitaires mais aussi télécoms, écoles et centres de recherche et même la gouvernance) qui se traduisent en termes immobiliers par la capacité à développer du commerce multi-canal, à effectuer des livraisons et des traitements automatisés avec une masse critique de consommateurs et d’utilisateurs d’espaces tertiaires. La notion de gouvernance y est intégrée dans la dimension « facilitateur » de business.
- L’interconnexion (accessibilité, d’un point de vue global et national, aux transports, aux réseaux informatiques, aux lieux de convergence) à la base de tout besoin immobilier.
- L’inclusion (société tolérante, respect des diversités, de la liberté d’expression mais aussi pouvoir d’achat des populations), qui induit une répartition plus juste des richesses, avec un impact direct sur les valeurs immobilières et sur la demande.
- L’inspiration (présence de parcs, jardins, mais aussi lieux de culture et de convivialité) comme facteur permettant d’attirer et de retenir des populations créatives avec un effet qualitatif sur les espaces immobiliers.
- L’innovation (présence d’universités, centres de R&D, incubateurs de startup) est un élément décisif pour assurer un développement économique pérenne, produire une offre immobilière moderne et gérer l’obsolescence des bâtiments.
- L’investissement (volume d’investissement immobilier, nombre de bâtiments ayant une certification environnementale, immeubles en construction…) qui donne une indication sur la profondeur du marché et sur son potentiel de développement.
L’ensemble de ces informations se combine et permet d’établir une grille de lecture des atouts essentiels au succès d’une métropole : l’attraction des talents dans des emplois à forte productivité et générateurs de richesse, et capacité à surperformer sur le long terme.
Selon les méthodologies employées, Paris évolue de la 2e à la 3e place, généralement après Londres. Cependant les incertitudes croissantes liées au Brexit (qui prendra effet en mars 2019) renforcent sa position de lieu de report pour des activités financières comme le montre le dernier baromètre EY de l’attractivité de l’Europe (+ 10 pts pour Paris qui prend la tête de ce classement pour la 1ère fois).
Dans un cycle économique chahuté par différentes formes d’instabilité (politique, sociale et environnementale…), les stratégies des utilisateurs et des investisseurs convergent vers les métropoles les plus résilientes. Un positionnement à suivre dans un développement complémentaire sur l’allocation d’actifs. En attendant… Cocorico !!
Soazig Dumont (Analyste senior)
1- Etude « The metropolitan century, understanding urbanisation and its consequences » – OECD – 2015
2- Edward L. Glaeser, “A World of Cities : the causes and consequences of urbanization in poorer countries”
Extrait de l’étude « L’immobilier d’investissement dans le monde », réservée aux adhérents de l’IEIF.
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