Académie des technologies – Matières à penser sur la sobriété – publié le 22 juin 2023

Fin juin, l’Académie des technologies a publié la synthèse de son séminaire d’octobre 2022 consacré à une réflexion collective sur la sobriété. Cette synthèse est le fruit de débats internes dans chacun des 9 pôles thématiques de l’Académie, dont celui sur l’habitat et la mobilité, aboutissant à la rédaction de contributions sur les enjeux et solutions synthétisées par la suite par près de 100 académiciens.

L’Académie des technologies définit la sobriété comme étant « la recherche d’une efficacité et d’un découplage maximal, un moyen de progrès soutenable des sociétés humaines, pas une fin en soi ».

Dans cette synthèse, 3 messages clés résument sa position :

• La sobriété est nécessaire. Il faudrait une réduction de 5 % par an d’ici 2030 des émissions de gaz à effet de serre et 7 % d’ici 2050, contre environ 1 % par an depuis trente ans, pour respecter les engagements européens d’une hausse limitée du réchauffement climatique à 1,5 °C. Cet objectif restera inaccessible si notre façon de consommer ne change pas. Le constat est clair : « la sobriété est incontournable ».
• La sobriété est nécessaire au progrès et le progrès à la sobriété. Le débat est souvent pollué par l’assimilation de la sobriété à la décroissance et de la décroissance à une moindre satisfaction des besoins humains, voire à une paupérisation générale, tandis que le sujet est plus complexe. La sobriété est indispensable à la poursuite d’un progrès véritable, apportant à tous les humains une amélioration de leurs conditions de vie compatible avec les limites planétaires. De même, la possibilité de comportements et de systèmes sobres repose souvent sur la mise en œuvre d’innovations technologiques, organisationnelles et sociales.
• La responsabilité des experts est d’éclairer, et non de définir, les choix collectifs. L’Académie rappelle que son rôle est de « documenter honnêtement les conséquences des choix possibles et les incertitudes, sans préjuger des priorités respectives ». Cela doit permettre à chacun de disposer d’informations pertinentes pour faire ses choix individuels et participer à l’élaboration des choix collectifs.

Elle insiste également sur 3 autres constats :

• La sobriété nécessite une approche globale. L’offre et la demande ne peuvent être traitées séparément, tout comme la sobriété et l’efficacité, les actions des acteurs économiques et des puissances publiques. Ceci doit reposer sur des politiques cohérentes, du local au global, jouant sur l’ensemble des leviers (pédagogie, incitations, réglementations, achats et investissements publics) et sur la disponibilité de technologies adaptées.
• La sobriété ne sera possible que si les efforts sont partagés équitablement. Elle requiert des efforts de tous qui ne seront acceptés, au moins dans les démocraties, que s’ils sont ressentis comme partagés de manière équitable. Aujourd’hui, selon la contribution de Pierre Veltz, Chercheur émérite à l’École des Ponts ParisTech, les 50 % les plus pauvres de la planète ne produisent que 12 % des émissions de gaz à effet de serre, tandis que les 10 % les plus riches en produisent près de la moitié. Ceci implique donc une réduction considérable des inégalités entre l’empreinte de la consommation des plus riches et celle des autres.
• Il faut agir sans tarder. L’Académie met en garde sur les débats entre « techno-solutionnistes » et technophobes poussant à une inaction dangereuse. Même constat sur les conflits « tout renouvelable » et « tout nucléaire » qui ont conduit à dénigrer chaque option, amenant à un sous-investissement global qui fragilise aujourd’hui notre sécurité énergétique. Dans ce sens, l’urgence des échéances oblige à combiner les approches d’efficacité et de sobriété. Cela se traduit notamment par une réduction de nos consommations et des impacts environnementaux de celles-ci en produisant la même satisfaction avec moins de ressources rares.

L’Académie des technologies présente également le résumé de certaines contributions illustratives des pôles thématiques et des experts. Cela se segmente en 3 parties avec : les secteurs économiques face à la nécessité de sobriété ; les questions transversales sur la sobriété et la promotion d’une culture de la sobriété et la construction d’un récit mobilisateur.

Plusieurs secteurs économiques sont passés en revue avec pour chacun un message principal :

Sur celui de l’énergie, l’importance de limiter la puissance de pointe est étudié : « la sobriété — sous toutes ses formes — est nécessaire, la technologie ne suffira pas à résoudre le problème, ni maintenant ni à l’horizon 2050 ».

Pour les mobilités, le besoin d’alternatives accessibles et sûres est l’angle d’analyse privilégié : « La sobriété a besoin de la technologie pour s’exprimer pleinement et elle est forcément systémique »

Sur la question de l’habitat, l’Académie des technologies fait le constat des effets décevants des politiques de rénovation : « le besoin d’une politique globale et le risque d’un effort technologique qui se perdrait dans un effet rebond ».

À l’origine des trois quarts des émissions de gaz à effet de serre, l’aptitude à s’améliorer de l’industrie lourde est un enjeu fondamental pour l’avenir de la planète, qui devra passer par une combinaison judicieuse entre efficacité, sobriété et économie circulaire : « la sobriété est nécessaire dans l’industrie ; elle doit s’exercer dans toute la chaîne industrielle de production et de maintenance ».

Le découplage de la croissance économique repose aujourd’hui sur la consommation de matériaux rares, l’économie possible des matières premières rares est essentielle que ce soit par le recyclage et/ou par une utilisation des produits finis plus intelligente : « l’économie doit préserver l’utilisation de ses ressources rares et il est urgent de transférer les technologies nécessaires aux pays en développement ».

Le sujet agricole est également central vis-à-vis des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi sur le plan des inégalités avec 800 millions de personnes sous-alimentées sur notre planète. La nécessité d’économiser l’énergie et l’eau, de préserver le sol dans une vision globale est primordiale : « la perspective systémique d’une sobriété doit concerner toutes les étapes du système alimentaire (production agricole, transformation, distribution, consommation) ».

Enfin, les infrastructures et services numériques sont étudiés. L’Académie des technologies met en avant une transition nécessaire de l’abondance au « juste assez » : « Le numérique doit être plus sobre, mais il reste indispensable à la mise en œuvre d’une sobriété systémique ».

Synthèse rédigée par Christopher Puyraimond
Analyste
Pôle fonds immobiliers

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