SCPI, OPCI grand public : visa pour la croissance
La collecte des SCPI et des OPCI en 2015 montre un engouement certain pour cette forme de placement immobilier. Mais une telle croissance, à un tel rythme, est‐elle vraiment souhaitable ?
La récente accélération de la croissance de la « pierre papier » pose naturellement la question des limites : ne risque‐t‐on pas une hausse des prix immobiliers et donc, en quelque sorte, une bulle ? Le marché immobilier n’a pas de frontières précises, contrairement à la cotation en Bourse. Qu’une entreprise vienne à vendre ses immeubles d’exploitation à une SCPI, à une SIIC (foncière cotée, avec transparence fiscale) ou à tout autre investisseur institutionnel, l’arrivée de capitaux nouveaux peut rester sans effet sur les prix du marché, puisque le « périmètre investi », autrement dit le sous‐jacent, s’élargit d’autant.
Comme l’écart entre « investi » et « investissable » est de plusieurs centaines de milliards d’euros pour l’immobilier d’entreprise en France, une croissance très importante des fonds immobiliers est dans l’absolu sans danger sur le niveau des prix… sauf si le rythme d’arrivée des capitaux est trop rapide. Il faut que le jeu entre, d’un côté, les capitaux nouveaux vers l’immobilier et, de l’autre, les anciens propriétaires des immeubles soit au fur et à mesure assez équilibré. Or le seuil de tolérance pour le marché français se situe actuellement entre 25 et 30 milliards investis par an.
Ce qui déplace le problème. En effet, SCPI et OPCI grand public ont collecté en 2015 un peu moins de 7 milliards à investir, un niveau largement acceptable pour le marché français. Cependant, si l’on ajoute l’ensemble des investisseurs – OPCI professionnels, compagnies d’assurances, et autres institutionnels y compris internationaux – on obtient le chiffre de… 29 milliards d’euros ! En fin de compte, la véritable question est celle de l’engouement des investisseurs, aussi bien particuliers qu’institutionnels, pour l’immobilier, et notamment l’immobilier d’entreprise.
Cet intérêt est plutôt évident dans le contexte actuel. Les emprunts d’État offrent des taux d’intérêt se dirigeant lentement vers zéro, la Bourse conserve un attrait manifeste, mais elle est frappée par une volatilité historiquement élevée. Or l’immobilier conserve un rendement comparativement très élevé, et annonce une certaine stabilité : existe‐t‐il un autre secteur dans l’économie où les clients sont attachés par un contrat de fidélité du type des baux « 3‐ 6‐9 » ? Résultat : partout dans le monde les investisseurs, petits ou grands, renforcent la poche immobilière de leur « allocation d’actifs ». Ainsi, ce que l’on observe avec les SCPI et OPCI grand public n’est rien d’autre que l’expression, à l’échelle des particuliers, d’une tendance forte de l’ensemble de l’univers de l’investissement.
Augmenter la part d’immobilier
Dans ces conditions, tous les investisseurs sont confrontés au même enjeu : comment augmenter la part d’immobilier sans participer à une course vers les mêmes biens, au risque de faire monter les prix ?
La première stratégie consiste à élargir le champ des investissements à l’horizon européen, soit par diversification d’anciennes SCPI, soit par création de nouvelles, qui prennent dès le départ le parti d’un immobilier européen, soit encore par des SCPI spécialisées sur un pays.
La seconde stratégie consiste à distinguer deux catégories d’immobilier d’entreprise :
d’abord, celui lié à la croissance : les bureaux, bien situés dans les évolutions du travail sous la double influence de la révolution numérique et de la métropolisation renouvelée, mais aussi de la logistique, des centres d’affaires et parcs d’activités ; ensuite, l’immobilier « d’entreprise » au sens de l’exploitation, lié aux facteurs démographiques : le commerce bien évidemment, mais aussi le tourisme, les résidences étudiantes, du troisième âge et de santé.
Ainsi, la croissance de ces produits immobiliers s’accompagne d’un élargissement de leur gamme.
Reste la question des performances futures de l’immobilier à horizon de dix ans et plus. S’il est impossible de poser des chiffres, en revanche, plusieurs facteurs sont identifiables. Le premier est le changement de statut économique de l’immobilier. De placement stérile, il est devenu investissement utile. Pendant les trente glorieuses, l’immobilier ne fut pour rien dans la croissance. Celle‐ci, poussée par le progrès technique, a créé une fantastique élévation du niveau de vie, qui a permis aux Français de s’offrir un meilleur immobilier. La situation est toute différente aujourd’hui : l’un des grands défis économiques est la réduction des dépenses énergétiques, or celles‐ci se font pour une large part dans le logement ou sur le lieu de travail, dans les commerces, etc. L’immobilier est cette fois‐ci au coeur des recherches de productivité, des cibles d’innovation et d’investissement.
Mais un autre facteur se dessine pour l’avenir de l’immobilier. L’urbanisation est en train de connaître un nouveau souffle, au point qu’on lui a donné un nom différent : la métropolisation. La croissance se fait et se fera de plus en plus dans les métropoles – la concentration de population favorise l’alchimie entre capital, travail et innovation – et l’immobilier comme les infrastructures devront suivre !
Troisième facteur, la qualité des immeubles va suivre ces grandes évolutions. L’obsolescence, et donc le décalage par rapport à des critères de qualité, va devenir un sujet important même pour des immeubles par ailleurs bien situés, avec en conséquence des investissements nécessaires.
Conclusion ? L’immobilier va rester dans le jeu économique, avec un rôle non négligeable. C’est ce qu’ont compris les investisseurs institutionnels du monde entier. Les particuliers auraient‐ils tort de suivre cet exemple en favorisant la croissance des SCPI et des OPCI grand public ?
Article de Guy Marty dans “Revue Banque” Mai 2016