Les enjeux du logement
La France manque structurellement de logements, et ce secteur coûte cher à l’État, année après année, législature après législature, sans que la situation ne semble s’améliorer. Comment expliquer cette crise qui dure ?
La démographie, encore et toujours
Selon l’INSEE, la France comptera trois millions de ménages en plus d’ici 2030 et il nous faudra autant de logements de plus. Là, on se heurte à une réalité simple, mais brutale : si l’offre est à chaque instant un peu en retard sur la demande, il y a un phénomène de rareté exacerbée.
C’est la maladie qui a caractérisé les quinze dernières années. Nous avions, en 2002, le nombre de logements qu’il aurait fallu en 2000 pour que les prix ne s’envolent pas comme ils l’ont fait, ou que les loyers restent raisonnables en regard des revenus. Ces deux années de retard, constamment maintenues, ont entretenu une hausse artificielle mais régulière, projetant les prix et les loyers à des niveaux de moins en moins compatibles avec les revenus des ménages, au point que l’on a pu dire que l’immobilier « nuisait à la compétitivité française ».
Pour mettre fin à cette aberration, une véritable stratégie de long terme – cap sur 2030 ! – s’impose. Cela signifie une politique de l’offre, donc de la construction et de son financement. Après tout, une démographie en croissance est un facteur positif !
En prenant acte, par exemple, que les distorsions du marché héritées de la situation récurrente de rareté, ont surtout pénalisé les classes moyennes qui ne relèvent pas du parc social et pour qui le parc locatif privé est non seulement insuffisant mais aussi, et l’un va avec l’autre, trop cher. Le plus fort de la demande est aujourd’hui pour des logements « intermédiaires » : soit on construit énormément, ce qui ferait naturellement baisser les loyers et les rendrait ainsi plus accessibles, soit on construit dès maintenant un plus grand nombre de logements qui, sans être à proprement parler sociaux, sont à loyer relativement faible.
Le siècle de la métropolisation
On croyait connaître le phénomène d’urbanisation. Le XXIe siècle, pourtant, lui donne un autre souffle et une autre nature. Dans une récente étude stratégique, l’OCDE a qualifié notre siècle de « metropolitan century ». La croissance économique fondée sur les trois piliers capital-travail-innovation se fait et se fera de plus en plus dans les métropoles… ou du moins dans celles qui ne tomberont pas dans l’écueil d’un étalement pervers. Sait-on par exemple que la croissance française serait bien supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui si le Grand Paris tel que l’on commence à peine à le rêver avait été réalisé il y a vingt ans ? La comparaison des croissances économiques dans toutes les métropoles de plus de 500 000 habitants des pays de l’OCDE est sans appel : les politiques d’urbanisme, de transport et de logement sont déterminantes pour la croissance.
Effervescence technologique et mutations sociétales
La révolution industrielle a donné naissance au travail tel que nous le connaissons, les activités dites tertiaires ayant conservé le même modèle. La révolution des technologies de l’information et de la communication est en train de briser ce paradigme : les frontières de l’espace (lieu de travail, domicile) comme celles du temps (temps au bureau et hors bureau) seront de plus en plus dissoutes ; le logement devra de plus en plus réserver une place à l’activité professionnelle.
À cela il faut ajouter le phénomène d’allongement de la vie, le fameux « vieillissement » de la population – expression bien triste s’il en est –, ce qui change aussi les données de la demande en matière de logement, en particulier pour ce qu’il est convenu d’appeler le quatrième âge.
Si l’on ajoute encore la préoccupation de plus en plus partagée d’économiser l’énergie et de bénéficier d’une meilleure qualité, non seulement sous l’angle du confort mais aussi sous celui de la santé, il devient patent qu’un défi considérable se présente pour le logement sous l’angle de ces diverses caractéristiques.
Bref, la question du logement ne se réduit ni à un problème conjoncturel ni à un sujet isolé. Elle est intimement liée au grand basculement de notre société. Saurons-nous voir assez grand, assez loin ?
Un article de Guy Marty
paru dans la « Revue Banque » de février 2016