Marchés boursiers, la marche arrière mais les SIIC restent en marche
L’année 2017 a été un millésime à plus d’un titre, des performances boursières exceptionnelles avec des risques géopolitiques absorbés. Pour rappel, en termes de performances globales, la médaille d’or revient à l’indice MSCI des pays émergents avec une hausse de 36 % tirée par la croissance des BRICS ; le S&P décroche la médaille d’argent avec une hausse de 20 % et la France est dans ce palmarès de tête avec une hausse de 10 % du CAC All Tradable. En revanche, dans l’immobilier coté, l’avantage revient à l’Europe, avec un indice EPRA Europe en hausse de 13 % contre une performance très mineure de l’indice EPRA américain, soit une hausse à 2 %. Les SIIC enregistrent une performance globale à 17 %, supérieure à leur performance moyenne de long terme de 12 % par an.
L’année 2018 a démarré avec des frissons
La secousse démarrée sur le marché boursier américain, avec un recul de plus de 10 % du Dow Jones, s’est rapidement diffusée sur les places européennes. Cette correction des marchés a engendré une baisse de 9 % de l’Euro Stoxx 50, de – 8 % du CAC 40 tandis que les indices des petites capitalisations ont mieux résisté. Côté foncières cotées, l’indice IEI F SIIC était en retrait de 7 % contre – 8 % pour l’indice IEIF zone Euro, – 9 % et plus pour les indices IEIF REIT UK et NAREIT US. Depuis le 9 février, les marchés boursiers se sont redressés : + 4 % pour le CAC 40 versus + 3 % pour le Dow Jones Stoxx Europe 50 contre une hausse plus modérée à 2 % pour le Dow Jones US. Sans surprise, les foncières immobilières européennes ont repris plus de poil de la bête que les américaines.
L’énigme des taux et la complexité du monde coté
Ces turbulences passées signalent finalement la fin du QE et moins de forward guidance que dans les périodes précédentes, où les investisseurs faisaient corps avec les décisions de politique monétaire. Désormais, au-delà du redressement acté des taux d’intérêt sur tous les marchés, le rythme pourra surprendre, puisque les instruments standards ne sont plus suffisants. La littérature académique regorge de modélisations sur la relation entre cours boursiers et taux d’intérêt : les modèles bi-variés, les plus simples, qui expriment l’évolution du CAC 40 entre OAT à 10 ans et Euribor 3 mois ont un pouvoir explicatif, R², qui varie entre 44 % et 58 %1 selon les périodes, pointent sur une relation décroissante. Dans le cadre des foncières cotées, la hausse des taux d’intérêt pénaliserait les foncières comme dans le cas plus général du CAC 40. En effet, la valeur du portefeuille d’une foncière cotée perdrait de la valeur a priori par augmentation du taux d’actualisation des loyers. Certes, la présence de dette financière permet d’amortir cet effet car la valeur de la dette se déprécie lorsque les taux d’intérêt augmentent. Sachant que le ratio dette sur patrimoine est de l’ordre de 40 à 50 %, l’effet de hausse de taux n’est pas totalement compensé. So what ? Une analyse simplifiée mais très intuitive permet de comprendre que la relation très générique entre cours des foncières cotées et taux d’intérêt à long terme est plus complexe dans la réalité, et cela pour différents marchés.
En traçant un nuage de points qui positionne en abscisse les variations en points de base des taux des emprunts d’état à long terme sur un échantillon élargi de pays (France, Europe, UK, USA et Japon) sur un an versus en ordonné, les performances globales annuelles des foncières cotées, on devrait théoriquement observer un nuage de points qui s’organise autour d’une diagonale de pente négative, comme dans le cas du CAC 40. Or, de simples observations sur longue période (1991-2017) pour chacun des indices des foncières cotées par pays, montrent que la relation n’est pas linéaire, loin de là. Première remarque, la forme générale est bien une courbe de pente négative mais avec une « bosse » au milieu (dans le cas de l’Europe et des USA, il s’agit même d’une parabole). Seconde remarque, il existe un nombre assez important de points qui font coïncider hausse des taux et de hausse des cours, avec une plus ou moins grande volatilité selon les pays. Ceci s’explique par le fait qu’une hausse des taux, entraînée par exemple par des anticipations à la hausse sur l’inflation, n’est pas systématiquement préjudiciable au cours des foncières : en effet, l’anticipation subséquente à la hausse des loyers, via le mécanisme d’indexation pour partie, peut plus que compenser l’augmentation du taux d’actualisation. Dans certains pays, il est acté que l’inflation à venir, même si en hausse, sera tendanciellement inférieure à son niveau moyen sur longue période. Aussi, les investisseurs se concentreront forcément sur les « stocks » où le potentiel de croissance des VLM sera supérieur à celui de l’inflation. La reprise est bien installée en France, croisons les doigts pour une poursuite des performances des SIIC.
Croissance tonique et indicateurs soutenus
Au T4 2017, la croissance française progresse de + 0,6 %, soit une légère accélération par rapport au trimestre précédent. L’exercice clôturé en hausse de 1,9 % contre 1,1 % en 2016. Cette croissance annuelle est la meilleure performance depuis 2011, soutenue par une demande externe favorable et de meilleurs fondamentaux sur le marché domestique. Les récentes turbulences boursières indiquent clairement que la volatilité est de retour pour ajuster un scénario de croissance mondiale en apparence immuable.
En 2017, la France se maintient donc dans le trio leader de la zone euro, derrière l’Allemagne (+ 2,2 %) et l’Espagne (+ 3,1 %). Sur cette fin d’année, la hausse de la croissance française est restée portée par une contribution positive de la demande domestique au PIB (+ 0,5 point) dont l’investissement qui s’accélère, la consommation des ménages et la variation des stocks. La bonne nouvelle vient du commerce extérieur dont la contribution est positive (+ 0,6 point) via la conjonction d’un ralentissement des importations et d’un rebond des exportations (+ 0,6 %). Sur l’ensemble de l’année 2017, les exportations progressent certes de 3,5 %, bien mieux qu’en 2016, mais à un rythme toujours inférieur à celui des importations (+ 4,3 %). La lecture des composantes illustre les points d’inflexion et permet de comprendre le cheminement de la croissance à venir. Le fléchissement de la consommation des ménages à 1,3 % contre une 2,1 % en 2016 suggère un comportement plus « fourmi que cigale » en vertu d’un principe d’arbitrage classique : les ménages ont fortement investi en logement en 2017, + 5,1 %, du jamais vu depuis plus d’une dizaine d’années. D’ailleurs les dernières données de la Banque de France sur la production de nouveaux crédits immobiliers aux particuliers pointent un record historique de 272 Mds€ avec un encours de + 6 %. Bonne nouvelle, la hausse de l’investissement productif à 3,7 % contraste avec le rythme annuel de 1,1 % observé depuis 2010. Il témoigne d’un redressement des marges et d’un soutien à la productivité globale des facteurs à moyen terme. Par secteur, l’investissement en biens d’équipements et services numériques continue de progresser dans l’ensemble des branches marchandes. L’innovation reste clé pour booster la productivité du travail et du capital des entreprises et à termes les parts de marché : les chefs d’entreprises anticipent d’ailleurs une hausse de leur investissement en 2018. La croissance française pourrait s’accélérer en 2018, à moins que les récentes secousses sur les marchés boursiers soient synonymes de fébrilité par un « effet domino ».
Côté SIIC, un arbitrage en cadence
Le marché de l’investissement reste très bien orienté, peut-être trop en regard de certaines transactions et d’un marché locatif très polarisé.
Les SIIC poursuivent leur politique d’arbitrage et de rotations d’actifs avec cette capacité à cristalliser la valeur en pic de cycle. Au total pour 2017, le désinvestissement net est proche 1,3 Md€. Au T4 2017, il est de 650 M€ en ligne avec la tendance moyenne observée depuis 2010, tiré par les closing de fin d’année.
- Les cessions : un record quasi historique qui culmine à 2,4 Mds€ pour la deuxième année consécutive. Depuis 2010, les SIIC ont en moyenne deux fois plus cédé qu’elles n’ont achetées. La stratégie est de trouver des relais de croissance en termes d’actifs, de relocalisation et de repositionnement pour nourrir les performances globales à moyen et long terme.
- Les acquisitions : moins de 1,2 Md€ en 2017 avec du stock picking quasi chirurgical toujours nourri par un fort potentiel de croissance. La diversification du patrimoine des foncières, géographique ou sectorielle, voire la polarisation d’acquisitions sur une localisation à forte productivité, sont des axes stratégies gagnantes en termes d’allocations d’actifs.
- La stratégie d’acquisition des SIIC reste offensive mais très sélective, notamment sur les marchés étrangers, en termes de relais de croissance et de sécurisation des rendements futurs.
Pas de transaction majeure observée à l’étranger ce trimestre, mais les acquisitions devraient se poursuivre dans le futur en raison de fondamentaux plus solides : une croissance économique convergente et mieux synchronisée en zone euro, qui plus est dans les métropoles européennes. L’Allemagne, ou plus exactement les sept premières villes allemandes, potentiellement en top de la hiérarchie des marchés à cibler. Les pays non Core de la zone euro, seront également au menu car l’idée est de sélectionner des marchés à forte productivité du travail ou du capital : il en existe de nombreux dans toute l’Europe.
Enfin, les récentes turbulences observées depuis ces dernières semaines sur les marchés boursiers du monde, génèrent le retour de la prudence voire d’un peu plus de fébrilité. Au-delà des commentaires techniques et des raisons de ce décrochage, le redressement des taux longs est entré en scène !
Extrait de l’étude « Les indices IEIF en Bourse » rédigée par Béatrice Guedj (Directrice de la Recherche) ; réservée aux adhérents de l’IEIF.
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