Portugal : projet de REIT résidentielles qui fait pleinement sens
Le gouvernement de coalition de centre gauche dirigé par le premier ministre Antonio Costa souhaite introduire un régime REIT pour 2018, dans le secteur résidentiel. D’après notre analyse, les raisons de cette initiative sont motivées par une volonté de consolider la croissance portugaise via une compétitivité-prix. Le logement et le développement du parc locatif par le secteur coté sont donc au cœur d’un dispositif plus global au service d’une croissance plus durable. Pour juger des potentielles performances de ces futures véhicules cotés au Portugal, détour du coté des indicateurs économiques et immobiliers, car l’un n’est jamais décorrélé de l’autre.
Pour rappel, sur deux ans, la crise de la dette souveraine a entraîné une contraction du PIB portugais à hauteur de – 8 %. Après des mesures drastiques pour provoquer un choc de compétitivité, l’activité économique est sortie de sa torpeur en 2013 puis s’est graduellement raffermie en ligne avec une hausse de la demande extérieure notamment des partenaires européens depuis 2015. En 2016, la hausse du PIB a été de 2,2 % supérieure à celle de la zone euro : au 3e trimestre 2017, la croissance affiche une hausse de 0,9 % soit + 3,1 % sur un an. L’exercice devrait se terminer en fanfare avec une renaissance pour l’économie portugaise. Au-delà des sévères mesures fiscales pour rééquilibrer les comptes publics, le choc de compétitivité s’est fait par une dévaluation interne, soit une violente contraction des salaires à l’ensemble de l’économie. La baisse des coûts salariaux a été en moyenne de 10 % et de quasi 20 % dans certains secteurs comme l’industrie manufacturière ou le secteur de l’éducation. De telles mesures ont permis à l’industrie exportatrice de devenir plus compétitive : les exportations se sont accélérées et l’excédent commercial est depuis 2016 à hauteur de + 1,1 % du PIB en moyenne contre un déficit de 9 % avant la crise. La croissance de l’emploi est de 2,4 % en rythme annualisé et plus élevée dans les secteurs ou la productivité du travail s’est fortement accélérée : le taux de chômage est de 8,5 % en moyenne contre une moyenne de 16 % au plus haut de la crise. La crise s’est traduite par une réduction significative du pouvoir d’achat des ménages et une cruelle érosion de leur épargne (un taux de 5,2 % contre 10,5 % en 2010). Conséquence, les ménages ne peuvent plus aussi facilement se porter acquéreur, dans un pays où le taux des propriétaires était encore au dernier recensement de 2011 de 75 %.
En développant le secteur locatif dans les aires urbaines à forts bassins d’emplois, le gouvernement favorise la mobilité de la main d’œuvre et encadre indirectement les hausses de salaires, pour garder des coûts salariaux compétitifs. A la manière de l’industrie allemande à une époque, l’économie portugaise adopte une vision élargie de la croissance où le logement devient un facteur clé comme sousjacent à la compétitivité-prix de toute une industrie.
Pendant la crise, les prix résidentiels ont baissé de 18 % dans l’ancien et de 11 % dans le neuf. Cette correction est somme toute relativement modeste au regard de la violence de la récession : les prix ont rebondi de 25 % par rapport à leur point bas, tiré par l’accélération des prix des appartements anciens, et la forte demande étrangère notamment à Lisbonne. Le prix médian au Portugal est de 1 500 € par m², pour des citoyens dont le revenu par tête est 25 % inférieur au revenu moyen de l’UE15. A Lisbonne, où le revenu par tête est en ligne avec celui des 15, le prix moyen est de 2 250 € par m² contre 1 270 € à Porto. Dans les 24 aires métropolitaines, les prix ont progressé de 18 % à 35 %, tirés aussi par un déséquilibre entre l’offre et la demande. Toutefois, une simple analyse montre que la corrélation entre les variations de prix résidentiels à celles du PIB est de 0,91, ce qui est plutôt rassurant sur la hausse des prix observés. Quant aux loyers, sur 320 municipalités analysées sur les trois dernières années, la hausse est observée pour 50 % de l’échantillon, notamment dans les bassins d’emplois. Cette hausse est supérieure à 2 % par an pour quasi 40 % de l’échantillon, et supérieure à plus de 3 % par an sur plus de 20 % de l’échantillon, hors points statistiquement non significatifs. L’économie portugaise entame sa mue : l’heure est à l’investissement pour booster la productivité et augmenter le potentiel de croissance à moyen terme. Les marchés ne s’y sont pas trompés, puisque début novembre, Lisbonne a levé 1,25 Md€ de dette à 10 ans à 1,94 %, le taux le plus bas jamais concédé à cette économie. Les éléments sont en place pour que le secteur résidentiel coté soit un succès : les gérants d’OPCVM immobiliers auront de quoi booster leurs performances dès 2018. Bonne pioche !
Extrait de l’étude « L’immobilier d’investissement dans le monde » rédigée par Béatrice Guedj (Directrice de la Recherche) ; réservée aux adhérents de l’IEIF.
En savoir + sur l’adhésion, cliquez ici