L‘Essentiel de l’Économie et de l’Immobilier

Vendredi 16 février 2024

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Synthèse croisée : études du FMI, du MIT, de JLL et de l’Institut Montaigne

Alors qu’en 2023, les progrès de l’intelligence artificielle (IA) comme son déploiement semblent s’être accélérés, générant à la fois fascination et anxiété, de nombreuses études s’interrogent sur les possibles impacts liés à cette révolution technologique. Ce travail prédictif fait face à une difficulté majeure : l’intelligence artificielle continue de progresser et complexifie la façon de mesurer ses conséquences sur les économies. Quatre études récentes en proposent une lecture.
Ainsi, le FMI s’interroge sur les répercussions de l’IA sur le marché du travail mondial : s’inscrira-t-elle « à la place de » ou « en complément » des travailleurs ? De façon globale, l’étude estime que 40 % des emplois pourrait être impacté par l’IA et souligne que contrairement aux révolutions technologiques précédentes – qui concernaient essentiellement l’automatisation de tâches répétitives à faible valeur ajoutée – l’IA va toucher de façon plus marquée les emplois les plus qualifiés. Les pays les plus avancés seraient donc proportionnellement plus impactés : 60 % des emplois sont exposés, mais ces pays disposent également des ressources nécessaires pour exploiter au mieux les ressources de l’IA (notamment les gains de productivité). Parmi ces emplois : la moitié, soit 30 %, pourrait en bénéficier via des gains de productivité, tandis que l’autre moitié pourrait être remplacée, l’IA pouvant exécuter certaines tâches et ainsi faire diminuer la demande de main d’œuvre.

À l’inverse, dans les pays émergents, seul 40 % de l’emploi serait exposé et 26 % dans ceux à faibles revenus. Néanmoins, si ces pays n’ont pas aujourd’hui la capacité de tirer les bienfaits de l’IA (main d’œuvre qualifiée, infrastructures…), à terme, son déploiement pourrait contribuer à creuser les inégalités entre les pays, et risque également au sein de chaque pays de renforcer la polarisation entre les tranches de revenus ou entre les générations.

Pour compléter son analyse, le FMI a mis au point un indicateur de préparation à l’IA par pays (en fonction de l’infrastructure numérique, des politiques du marché du travail, l’innovation et l’intégration économique, la réglementation, l’éthique…) qui montre que si les pays les plus avancés sont les plus exposés, ce sont aussi les mieux préparés pour adopter l’IA (Singapour et les États-Unis en tête, la France apparaît en 7ᵉ position).

L'avantage des pays avancés

Les chercheurs du MIT introduisent une donnée complémentaire à leur analyse d’impact : celle du coût de déploiement de l’IA. Ils ont ainsi modélisé les impacts de l’IA sur des tâches à assistance visuelle, aujourd’hui identifiées comme pouvant être assurées dans leur totalité par une intelligence artificielle. Leur conclusion apparaît sans appel : aujourd’hui, le coût humain demeure inférieur à celui de l’adoption de l’IA, seules 23 % des tâches seraient davantage rentables si elles étaient effectuées par une IA. En effet, les coûts d’entrée sont aujourd’hui élevés et seules les plus grosses structures pourront dans un premier temps déployer l’IA. Selon l’étude, l’impact sur l’emploi sera donc très progressif, la généralisation du recours à l’IA ne se réalisera que lorsque ce sera intéressant pour nombre de structures, soit grâce à une baisse des coûts initiaux, soit via un déploiement organisé à une large échelle. Les chercheurs du MIT soulignent que cette progressivité est une opportunité majeure qui pourra permettre la transformation du marché de l’emploi par l’adaptation et l’évolution des compétences. Certains secteurs sont cités comme étant ceux où le rapport bénéfice-investissement sont plus intéressants : le commerce, le transport et la logistique, mais aussi la santé.

L’étude réalisée par JLL propose un zoom sur le secteur immobilier. Selon Open AI cité par JLL, 80 % des emplois seraient exposés à l’IA, ce qui aura un impact majeur pour l’immobilier, car cela va entraîner une transformation profonde du marché de l’emploi. JLL identifie 5 leviers de transformations pour les marchés :

  • Une nouvelle géographie : les entreprises liées à l’IA se regroupent géographiquement sur des marchés technologiques établis et devraient se concentrer à proximité des talents en IA (pôles technologiques, centre d’innovation, universités).
  • Une nouvelle demande : le développement de l’IA va booster l’implantation de data centers, le développement de réseaux énergétiques et de l’ensemble des infrastructures liées à la connectivité.
  • De nouveaux actifs : le déploiement de l’IA devrait permettre la naissance de « bâtiments intelligents », les infrastructures compatibles avec l’IA deviendraient ainsi une nouvelle norme et pourraient contribuer à créer des bâtiments performants et durables.
  • De nouveaux business models : l’IA devrait permettre une meilleure appréhension des actifs et des marchés immobiliers et faciliter les transactions. De même, en facilitant les connexions entre différents systèmes au sein d’un même bâtiment, l’IA pourrait accélérer l’intensification des usages et la mise à disposition de services pour les utilisateurs et ainsi générer de nouvelles sources de revenus.
  • Une nouvelle conception des espaces : l’IA devrait permettre une conception axée sur l’expérience et une meilleure adaptabilité des espaces (notamment aux paramètres environnementaux).

Si les niveaux d’impacts sont encore difficiles à estimer et diffèreront suivant les économies, les secteurs d’activités et les métiers, les différentes études convergent cependant sur la nécessité de réglementer et de définir le cadre qui permettra d’exploiter l’IA en toute sécurité. La note d’action de l’institut Montaigne milite ainsi pour que la France – à l’image d’autres pays qui l’ont fait récemment (Royaume-Unis, États-Unis et Singapour) – se dote d’un outil de gouvernance sur l’IA, pour faire avancer à la fois les sujets d’IA en France et pour faciliter la mise en conformité avec la réglementation européenne (AI Act) en la matière. Par ailleurs, cet outil pourrait également devenir une instance d’évaluation qui permettrait en l’absence de règles strictes d’alerter les pouvoirs publics en cas de risque majeur, et de faire évoluer la réglementation au gré des avancées technologiques.

Synthèse rédigée par Lina Mounir
Analyste senior
Pôle marchés immobiliers

  • MIT – Beyond AI Exposure: Which tasks are cost-effective to automate with computer vision? – publié le 22 janvier 2024 – Voir l’étude
  • FMI – Gen-AI : Artificial Intelligence and the Future of Work – publié en janvier 2024 – Voir l’étude
  • JLL – Artificial Intelligence, Real Estate Revolution or Evolution? – publié en janvier 2024 – Voir l’étude
  • Institut Montaigne – Pour une autorité française de l’IA – publié en janvier 2024 – Voir l’étude

ECONOMIE

Cette semaine, l’IEIF a repéré pour vous…

  • Direction générale du Trésor – Rapport 2024 sur le commerce extérieur de la France – publié en février 2024 – Voir l’étude
  • OFCE – Les perspectives de l’économie française en 2024 selon les prévisionnistes de l’OFCN – publié en février 2024 – Voir l’étude
  • Banque de France – Le surendettement des ménages – Enquête typologique 2023 – publié le 8 février 2024 – Voir l’étude

MARCHÉS IMMOBILIERS

Cette semaine, l’IEIF a repéré pour vous…

  • AEW – Confirmation of our private real estate market rebound forecasts – publié en Janvier 2024 – Voir l’étude
  • CBRE – France Market Outlook 2024 : Quels impacts des Jeux Olympiques sur nos marchés – publié le 18 janvier 2024 – Voir l’étude
  • APUR – Enseignement supérieur et recherche dans le Grand Paris – publié en février 2024 – Voir l’étude