L‘Essentiel de l’Économie et de l’Immobilier

Jeudi 13 février 2025

MARCHÉS IMMOBILIERS

Fondation Abbé Pierre – 30e rapport sur l’état du mal logement en France 2025 – 4 février 2025

La Fondation Abbé Pierre dresse un tableau sombre de la situation du mal-logement en France, marqué par une aggravation continue de la crise du logement, des inégalités croissantes et des politiques publiques souvent inefficaces. Il appelle à une action urgente et coordonnée de l’État et des collectivités territoriales pour garantir le droit au logement pour tous.

Le nombre de personnes sans domicile atteint 350 000 en 2024, poursuivant une hausse constante depuis les précédentes estimations : il est 2,5 fois plus élevé qu’en 2012. S’ajoutent à ce résultat, 590 000 personnes qui vivent en hébergement précaire chez des tiers, un nombre également en augmentation. Parallèlement, les expulsions locatives ont atteint un niveau record en 2023 avec 19 023 cas, soit une hausse de 17 % en un an. La mortalité des personnes à la rue a atteint un record avec 735 décès en 2023, un chiffre inégalé depuis 12 ans.

Ces chiffres traduisent l’incapacité croissante des dispositifs d’accueil à répondre à une demande qui explose : en 2024, on compte 2,7 millions de demandeurs de logements sociaux, un record comparé aux 2,1 millions de 2017. Pourtant, dans un même temps, la production de logement sociaux est en baisse, atteignant son niveau le plus bas depuis 2005 : seuls 84 000 logements sociaux ont été financés en 2024, bien en deçà des 124 000 unités produites en 2016. L’offre locative sociale s’amenuise, le nombre d’attributions de logements sociaux a chuté de 500 000 par an entre 2015 et 2017 à 393 000 en 2023. Selon l’étude, les ponctions financières répétées sur les bailleurs sociaux limitent leur capacité d’investissement tant pour la production de nouveaux logements que pour la rénovation de l’existant.

Nombre de logements sociaux financés

Nombre de logements sociaux financés

Source : Fondation Abbé Pierre, février 2025

La précarité énergétique est un autre facteur de vulnérabilité : 30 % des ménages ont souffert du froid dans leur logement en 2024, contre 14 % en 2020. L’augmentation des charges, conjuguée à la hausse des loyers, exacerbe la difficulté à se loger dans des conditions décentes. Le mal-logement touche de manière disproportionnée les populations vulnérables : en particulier les personnes en situation de handicap (un chapitre y est consacré), les personnes âgées en perte d’autonomie, les bénéficiaires de minima sociaux, les étudiants, et les personnes issues de l’immigration. Le rapport dénonce les discriminations persistantes dans l’accès au logement.
Face à cette situation, les auteurs du rapport soulignent que la crise du logement est également exacerbée par un attentisme de l’État, marqué par des instabilités ministérielles et des politiques oscillantes. Ils dénoncent un décalage entre les besoins urgents et les réponses apportées, avec une tendance à recourir à des solutions anciennes peu durables et inégalitaires. Ils formulent plusieurs orientations dont deux principales :
  • Redonner des capacités financières aux organismes Hlm pour construire de nouveaux logements et pour améliorer le parc existant en revenant sur la ponction opérée à travers la RLS et la hausse de la TVA.
  • Restaurer le pouvoir « solvabilisateur » des aides personnelles en particulier l’APL.
Enfin, le rapport aborde les enjeux de la transition écologique dans le secteur du logement, notamment la nécessité de concilier les besoins en logements avec les objectifs de zéro artificialisation nette (ZAN) : les auteurs proposent de soutenir les collectivités locales dans la mise en œuvre du ZAN en abondant le fond vert et en dissuadant davantage la vacance et les résidences secondaires, mais aussi en encadrant le foncier à travers une taxation croissante dans le temps des terrains classés constructibles, une redistribution des plus-values foncières et un soutien aux OFS et EPF.

Synthèse rédigée par Lina Mounir
Analyste Senior, Pôle marchés immobiliers

Ce mois-ci, l’IEIF a aussi repéré pour vous…

  • CBRE – European Investors intentions survey – 6 février 2025 – Voir l’étude

    L’étude sur les intentions des investisseurs européens révèle un optimisme croissant quant à la reprise du marché immobilier. La majorité des investisseurs prévoient une augmentation des transactions en 2025, en particulier en logement, logistique et hôtellerie. Le Royaume-Uni, notamment Londres, et l’Espagne sont perçus comme les marchés les plus attractifs.
  • IPR – L’essor du coliving pour les jeunes franciliens : idéal communautaire ou symptôme de la crise du logement ? – 23 janvier 2025 – Voir l’étude
    Ce document explore l’essor du coliving en Île-de-France, en particulier pour les jeunes actifs : il analyse le coliving comme un produit d’investissement locatif privé, souvent présenté comme une colocation à grande échelle avec des espaces partagés. L’étude examine l’évolution du marché, les acteurs impliqués, les implications de cette forme d’habitat sur l’urbanisme et les réglementations, les usages ainsi que l’abordabilité du coliving.

DÉVELOPPEMENT DURABLE

Cap Gemini Research Institute – Developing sustainable Gen AI – Février 2025

Dans cette étude, Cap Gemini explore l’impact environnemental de l’intelligence artificielle générative (Gen AI) dans sa mise en œuvre et dans son usage, en mesurant notamment le degré de sensibilité de cet impact auprès des entreprises utilisatrices. Le rapport formule des recommandations à destination des organisations pour que dans leur usage, elles puissent en exploiter le potentiel tout en recherchant un équilibre entre les avantages économiques de cette technologie et les responsabilités environnementales inhérentes à son déploiement croissant.

A travers une enquête quantitative menée auprès de  2000 cadres supérieurs de grandes entreprises dans 15 pays (Amérique du Nord, Europe et Asie-Pacifique) intervenant dans des secteurs d’activité variés (aéronautique, banque, distribution, énergie, télécommunications), des entretiens qualitatifs avec des dirigeants et une analyse d’études de cas et des pratiques, il apparait que si les entreprises prennent conscience de l’impact environnemental lié à l’IA Générative, elles peinent encore à l’intégrer dans leur démarche RSE.

L’impact environnemental de l’IA Générative peut se mesurer via différents indicateurs :

  • la consommation énergétique : l’IA générative nécessite d’énormes quantités de puissance de calcul, ce qui se traduit par une consommation d’énergie importante. L’entraînement de modèles tels que GPT-3 et GPT-4 consomme des quantités d’électricité équivalentes à la consommation annuelle de centaines, voire de milliers, de foyers américains.
  • la consommation d’eau : les centres de données, essentiels au fonctionnement de l’IA générative, consomment de grandes quantités d’eau pour le refroidissement. Une seule requête sur un LLM peut utiliser environ 500 ml d’eau.
  • les déchets électroniques (e-waste) : l’IA générative nécessite des mises à niveau matérielles fréquentes, ce qui contribue à la production de déchets électroniques. Les estimations suggèrent que l’IA générative pourrait générer entre 1,2 et 5,0 millions de tonnes métriques de déchets électroniques d’ici 2030, soit environ 1 000 fois plus de déchets électroniques qu’en 2023.
  • l’extraction de métaux rares : la fabrication des processeurs graphiques (GPU), indispensables à l’IA générative, nécessite l’extraction de métaux rares, une activité polluante et génératrice de GES.
Au vu de ces constats (voir graphique), le rapport préconise aux entreprises de généraliser la mesure de l’empreinte environnementale de leurs usages de Gen AI et de la comparer à d’autres options, et à exiger de la transparence de la part des fournisseurs d’IA sur l’efficacité énergétique et l’empreinte carbone de leurs outils.

Différentes mesures d’atténuation peuvent ainsi être envisagées :

  • privilégier des partenaires proposant du matériel recyclable et plus économe en énergie, spécifiquement conçu pour l’IA/Gen AI.
  • intégrer des évaluations d’impact sur la durabilité (Sustainable IA) pour choisir les options les plus durables en fonction des performances souhaitées.
  • utiliser des modèles pré-entraînés plus petits et spécifiques à une tâche (SLM Small Language Model) plutôt qu’a recourir systématiquement aux modèles LLM Large Language Model, bien plus consommateurs en ressources.
  • choisir des fournisseurs utilisant des sources d’énergie à faible émission de carbone (solaire, éolien, géothermique, nucléaire) pour alimenter l’infrastructure IA/Gen AI et les centres de données, et opter pour des centres de données écologiques.
  • suivre et quantifier l’empreinte carbone des applications Gen AI pour éliminer les utilisations inutiles, mettre en œuvre le traitement par lots et des techniques d’optimisation des prompts. Des outils comme CodeCarbon, ML CO2 Impact, Cloud Carbon Footprint et Green Algorithms permettent d’évaluer et suivre les empreintes Gen AI.
Pour assurer l’efficacité des modèles Gen AI, il est essentiel de disposer de données de qualité et fiables, ce qui implique aussi une sélectivité dans le choix des données, car le « big data » n’est pas toujours synonyme de « better data »

Côté fournisseur, le secteur technologique est encouragé à développer des solutions innovantes pour réduire l’impact environnemental de la Gen AI et à inscrire sa mise en œuvre dans une approche plus globale combinant l’IA traditionnelle, l’IA générative et d’autres technologies comme l’automatisation. Celles-ci incluent des puces plus efficaces, des modèles plus petits et le recours à des infrastructures alimentées par des énergies renouvelables.

L’étude met en évidence l’importance de concilier les avantages de l’IA générative avec ses coûts environnementaux croissants. Il est recommandé aux organisations d’intégrer des mesures de durabilité dès les premières étapes de leur adoption technologique, en développant des cadres de gouvernance rigoureux et en collaborant avec divers acteurs pour minimiser l’impact environnemental tout en maximisant les bénéfices économiques et sociétaux liés à l’intégration de ces outils dans les process.

Impact environnemental de l’IA dans son cycle de vie

Impact environnemental de l’IA dans son cycle de vie

Synthèse rédigée par Soazig Dumont,
Analyste Senior, Pôle Marchés immobiliers

Ce mois-ci, l’IEIF a aussi repéré pour vous…

  • Congrès des Notaires de France – 120e  congrès Bordeaux 2024 : Vers un urbanisme durable, accompagner les projets face aux défis environnementaux – Janvier 2025 Voir l’étude
    Le document relate les travaux du 120e congrès des notaires de France, axé sur l’urbanisme durable et les défis environnementaux. Il explore comment le droit notarial peut s’adapter aux enjeux écologiques actuels, tels que le réchauffement climatique et la perte de biodiversité. Les discussions portent sur des propositions concrètes et mettent en lumière la nécessité d’une approche interdisciplinaire et d’une collaboration entre les acteurs.
  • Direction générale du Trésor – Les enjeux économiques de la transition vers la neutralité carbone – 27 janvier 2025 Voir l’étude​​​​
    Ce rapport examine les enjeux économiques de la transition vers la neutralité carbone : il analyse l’efficacité de la tarification du carbone et des politiques publiques pour atteindre les objectifs climatiques. Le document met en évidence les transformations nécessaires dans divers secteurs, les impacts distributifs de ces politiques sur les ménages, les investissements requis, les instruments financiers mobilisables, et les potentiels risques de fuites de carbone.

ECONOMIE

Cette semaine, l’IEIF a repéré pour vous…

  • Crédit Agricole Etudes économiques – Zone Euro, Scénario 2025-2026 : une reprise poussive à un rythme inférieur au potentiel – 29 janvier 2025 Voir l’étude
    Selon l’étude, la reprise économique prévue reste poussive dans la zone euro : une croissance inférieure à son potentiel en 2025 et 2026, un investissement retardé des entreprises, et des politiques économiques américaines qui pourraient impacter négativement la zone euro. Le document examine aussi les disparités de croissance entre les pays de la zone euro et les divergences croissantes avec les États-Unis en termes de croissance et d’inflation.
  • EY – Défaillances d’entreprises : un record historique pour 2024, des défis persistants pour 2025 – Février 2025 – Voir l’étude
    Ce rapport examine l’augmentation des défaillances d’entreprises en France et en Europe en 2024 et propose des perspectives pour 2025. L’étude analyse les secteurs et régions les plus touchés, ainsi que les causes de ces difficultés, notamment la hausse des coûts énergétiques, les problèmes de remboursement des aides Covid, et l’incertitude politique.
  • France Assureurs – Cartographie prospective 2025 de l’assurance – 4 février 2025 – Voir l’étude
    Cette cartographie des risques a été élaborée en interrogeant des dirigeants du secteur de l’assurance et de la réassurance. L’étude identifie et classe les principales menaces évaluant leur fréquence et leur gravité à cinq ans : les cyberattaques et le dérèglement climatique sont ainsi perçus comme les risques principaux pour les assureurs, s’y ajoutent les inégalités sociales, l’environnement économique et politique pour la société française.
  • AMF – Baromètre de l’épargne et de l’investissement 2024 – 14 janvier 2025 – Voir l’étude
    L’enquête approfondie de l’AMF sur les attitudes et comportements des Français en matière d’épargne et d’investissement examine les objectifs d’épargne, les choix de placements, la perception des produits financiers, l’appétence au risque et l’intérêt pour les placements boursiers. Elle révèle que si une part importante des Français épargne régulièrement, beaucoup manquent d’aisance avec les problématiques d’investissement.